La Gambie
Le jour n'est pas encore levé lorsque nous
commençons à slalomer avec le Lili entre les tankers au mouillage devant le port de Dakar.
Nous hissons la grand voile et une fois de plus, un chariot de latte casse. Nous
le récupérons ainsi que les quelques billes que nous pouvons trouver. Nous
tenterons une réparation au mouillage lorsque nous aurons un peu de temps. Pour
le moment, nous nous contentons de la hisser à deux ris et déroulons le génois.
Nous descendons ainsi quelques temps, sous voiles seules, avant que le vent qui
faiblit ne nous oblige à lancer le moteur. Nous ne voyons aucun dauphin et ne
pêchons pas. Par contre, un jeune zébu, gonflé par la noyade, flotte à la
dérive, peu avant la passe d'entrée dans le Saloum. A la hauteur de Djifère,
nous nous mettons avec soin dans les alignements et passons sans encombre entre
la plage et le banc de sable, avant de descendre le long de l'îlot Sangomar. Les
lieux sont toujours aussi beaux. Nous mouillons alors que le soleil décline
derrière les baobabs. La nuit sera très calme !
Le
lendemain à midi, nous investissons tous la plage et nous
sommes très rapidement courbés en avant, à la recherche de coquillages ! Il n'y
a qu'à se baisser, ils sont là, posés sur le sable, au pied des palétuviers !
Nous nous installons pour un pique-nique tandis que les zébus nous observent.
Après le repas, nous rangeons tout dans les annexes et traversons l'île pour
aller visiter sa côte Atlantique. Nous passons dans la lande où de beaux
baobabs poussent tranquillement. La plage est magnifique, seulement occupée par
un petit troupeau de zébus. La mer est si tentante que hommes et enfants s'y
jettent tout de suite. Le sable est blanc comme sur les cartes postales. Nous
restons un moment sur notre île à jouer les Robinsons. De retour aux bateaux,
nous préparons le barbecue du soir :
Dominique et Sylvain vont en annexe acheter
une dorade coryphène aux pêcheurs de l'autre côté du chenal. Sur Semeda, un
quatre-quarts
aux pommes cuit dans le four et les coquillages sont cuits et décortiqués. Nous
nous installons sur la plage pour la soirée pendant que les enfants récoltent du
bois sec. Le barbecue est allumé, la dorade au chaud tandis que nous faisons un
autre feu pour cuire pommes de terre, oignons et bananes emballés
dans de l'aluminium. Le ciel est paré de mille étoiles. Le panorama est superbe.
Une soirée comme on en rêve !
Nous quittons avec regret cette petit île pour nous diriger vers la Gambie. Le passage au sud de Sangomar est un peu short car les fonds remontent par endroits à 3 m. Mais après les navigations dans le Saloum nous sommes plus à l'aise. Heureusement, le balisage est sérieux. Nous traversons une fois encore une flottille de pêcheurs et de filets. Lorsque nous quittons les eaux sénégalaises, ils sont beaucoup moins nombreux. Nous arrivons à Banjul en début d'après midi, pavillon jaune hissé dans les barres de flèche. De nombreux Gambiens nous font signe depuis le port, espérant être embauchés comme guide pour les formalités d'entrée. Dès que Lili est mouillé, les deux capitaines vont au port pour entamer les démarches. Ils reviendront une heure plus tard, avec un tampon sur chaque passeport afin de circuler en ville, mais les formalités n'en sont qu'à leur début. Dans la soirée, Debbie et Sean sur Kit Kat arrivent au mouillage. Nous nous retrouvons tous à l'apéro sur le Lili. Les Kit Kat sont passés par l'intérieur du Saloum pour rejoindre Banjul, par les bolongs, comme vont le faire les Marana. Ils ne se sont échoués que quatre fois, en une seule journée ! A trois reprises, ils ont utilisé le moteur pour s'en sortir et une autre fois leur ancre. Le lendemain matin, les trois capitaines repartent à l'assaut des bureaux pour les formalités tandis que femmes et enfants se retrouvent sur le Kit Kat pour boire le thé et apprendre des chansons anglaises. Quelle ambiance ! Les capitaines ayant fait une brève apparition pour rechercher des papiers supplémentaires, ils sont repartis avec leur douanier, très gentil d'ailleurs. Cathy, Magda et Debbie décident d'aller à terre faire quelques courses. Ici, nous ne sommes pas harcelées comme à Dakar. Nous allons jusqu'au marché où nous trouvons un peu de légumes. Banjul est la capitale mais devant le peu de vivres sur les étales, nous nous demandons de quoi ils se nourrissent. Nous trouverons également des baguettes à 5 Dalasis (0,15 €). La nourriture est peu chère. Pendant ce temps, Jean-Michel et Dominique commencent à bouillir d'impatience tandis que Sean garde son calme tout Londonien ! Au final, ils seront entrés et ressortis de 11 bureaux ! Il leur fallait parfois aller jusqu'au télécentre voisin pour faire quelques photocopies : les autorités n'avaient qu'un seul exemplaire du document à remplir et comme ils sont trois, ... ! Nous ne regrettons pas d'avoir choisi de prendre nos visas à Banjul : à Dakar, à l'ambassade de Gambie, ils coûtent 25 000 FCFA par personne. A Banjul, il nous est demandé seulement 6 000 FCFA l'unité. Il n'y a pas photo ! Nous avons désormais une autorisation de visiter la Gambie pour 28 jours. Quant au bateau, nous avons acquitté un droit de navigation sur le fleuve de 830 Dalasis (environ 25 €). Maintenant que tout est en règle, nous quittons le mouillage pour aller ancrer dans le bolon de Lamin Lodge tandis que Kit Kat attend demain pour aller à Oyster Creek.
Nous regardons avec attention le plan
pour entrer dans le bolong et surveillons les fonds. Nous devrions avoir 6 m
d'eau et pourtant, nous avons 4, puis 3, puis 2 et ils remontent encore !
Encore ! Lorsque le sondeur indique 1,20 m, nous ne sommes toujours pas sûrs d'être
échoués car nous n'avons rien senti ! Le léger vent nous déporte et le sondeur
finit par nous indiquer 0,90 m. Là, pas de doute, avec 1,60 m de tirant d'eau,
nous sommes bien dans la vase ! C'est notre premier échouage ! Le Lili, qui cale 2,40 m, reste à l'abri et
mouille, prêt à nous apporter un bout pour nous tracter si nécessaire.
Jean-Michel met l'annexe à couple sur tribord et avec le moteur n'a aucune peine à nous
sortir de là. C'est dans un cas comme celui-là que nous ne regrettons pas notre
choix d'annexe et de moteur hors bord. Nous reprenons notre route vers Lamin Lodge et à deux reprises
nous voyons les fonds remonter à nouveau. Nous faisons un tour sur nous et
cherchons des fonds plus propices. Arrivés au mouillage, nous sommes enchantés
devant le panorama et le calme qui y règne. Quelques bateaux au mouillage
appartiennent à des personnes travaillant à Banjul. Ils reviennent ici pour le
week-end et profiter du calme.
Le lendemain, nous partons en annexe
explorer les bolongs et faire quelques photos. Les oiseaux sont superbes et ne
sont pas trop effrayés par notre présence. Les pêcheurs d'huîtres sont assez
nombreux et la mangrove laisse apparaître de belles cicatrices. Certains
pêcheurs prélèvent les huîtres avec précaution, mais nombreux sont ceux qui
coupent les branches pour plus de facilité. Au retour, nous nous arrêtons au
petit restaurant devant lequel nous sommes mouillés. Ici, de nombreux singes
vivent en liberté et semblent habitués aux humains. Tandis que nous sommes à
l'étage pour boire un verre, l'un d'eux nous observe, s'approche puis tout à
coup saute sur la table et emporte la bouteille de soda de Géraldine ! Il
s'éloigne un peu et porte la bouteille à la bouche. Elle est vide, mais il
vérifie ! Il est très déçu et la laisse tomber. Il ne s'éloigne pas trop loin
car d'autres bouteilles restent sur notre table. Peu avant de partir, nous
approchons de lui une autre bouteille dans laquelle il reste un peu de boisson.
Il se précipite et la boit avec délice. Nous en profitons pour faire quelques
clichés. Le serveur est habitué à ce comportement et s'amuse de notre
étonnement. Nous préparons le soir même autour d'un bon repas notre remontée du
fleuve Gambie. Notre objectif est d'atteindre l'ancienne capitale coloniale de
Georgetown appelée aujourd'hui Jang Jang Bureng. Pour cela il faudra remonter le
fleuve sur plus de 140 Milles, supporter les moustiques et mouches tsé-tsé,
naviguer entre hippopotames et crocodiles... bref c'est une nouvelle aventure
qui commence. L'avitaillement est fait pour 3 semaines d'autonomie totale, car
tout le monde raconte que l'on ne peut rien ou presque trouver en amont.
Il fait encore nuit lorsque Jean-Michel se lève : nous reprenons la route vers Banjul pour ensuite remonter avec le courant de marée jusqu'à Bintang Bolon. Dans le fleuve, de nombreux dauphins noirs viennent jouer entre les deux bateaux.
Nous sommes rentrés dans Bintang Bolon, mais sans nous y enfoncer. En effet, nous ne voulons pas nous éloigner de la "route principale" car nous devons rejoindre Farafenni avant le 23, date à laquelle Magda et Sylvain prennent le taxi brousse pour retour sur Dakar. Le mouillage est très agréable et reposant. Nous reprenons la route dès le lendemain pour nous arrêter à Tendaba, petit village au bord du fleuve. Dès notre débarquement, les enfants viennent nous entourer et d'un enfant à chaque main, nous nous retrouvons vite entourés d'une véritable colonie de vacances ! Magda qui adore danser ne peux résister de se joindre aux villageoises dès qu'elle entend une musique et Cathy n'hésite pas longtemps à en faire autant ! Nous rencontrons un des instituteurs qui nous fait visiter l'école. Il profite de l'occasion pour nous expliquer que les bâtiments ont été financés par les Hollandais, le mur entourant la cour de récréation par les Anglais et à présent, il souhaiterait des uniformes pour ses élèves. Nous en prenons note, mais ne pouvons malheureusement rien y faire avec nos petits moyens. Les toubabs donnent toujours l'impression d'être riches.
Tandis que le lendemain nous attendons la renverse du courant pour continuer notre route, deux voiliers font route vers Banjul. Aquarelle et Orphée descendent avec le courant et s'arrêtent près de nous pour raconter leur périple. A partir de Elephant Island, nous devrions voir une faune très riche. Les crocodiles, hippopotames, mouches tsé-tsé, singes, oiseaux de toutes les couleurs... n'ont pas manqué. Nous décidons de rester ensemble pour la journée. Après avoir partagé notre déjeuner sur Orphée, nous acceptons l'invitation à manger un Tiéboudien au petit restaurant du coin. Le patron est très gentil et d'une grande patience. Nous discutons bien 20 minutes avant de nous décider et il est là, près de nous dans sa barque, à attendre patiemment notre décision ! Le soir, nous sommes très bien accueillis, tandis que de la terrasse où nous sommes installés, nous apercevons les nombreux touristes dans le camps voisin, pour qui une fête est organisée. Nous nous sentons tout de même plus proches de la population locale et repartons tous aux annexes avec encore de nombreux enfants dans chaque main.
Farafenni se trouve à l'intérieur des terres. C'est le début de l'eau douce. Pour l'atteindre, nous nous arrêtons près de l'embarcadère et de là, Magda et Sylvain négocient un taxi brousse qui les attendra bien à l'heure dite. Nous trouvons un peu de ravitaillement mais aucun produit frais. Toutefois, il est possible d'acheter du poulet cuisiné mais pas de poulet entier. La dernière soirée avec Magda et Sylvain est très agréable mais la séparation est plutôt dure. Nous nous entendons tellement bien avec eux que nous aurions bien aimé faire encore un bout de brousse ensemble. Toutefois, Dominique et Géraldine continuent la route sur le fleuve Gambie à nos côtés et nous quitterons à Banjul pour rentrer sur Dakar tandis que nous mettrons le cap sur la Casamance. Mais nous n'y sommes pas encore et nous profitons au maximum de leur présence !
Nous remontons la rivière jusqu'à Elephant Island.
Nous passons au nord de l'île et tandis que nous avançons avec le courant qui
est d'environ 2 noeuds, nous coupons le moteur pour mieux nous imprégner des
bruits de la nature. A tour de rôle, Cathy et Mégane montent dans le premier
étage de barres de flèche pour mieux observer les berges : y a-t-il un crocodile
par ici ? Lili nous suit, dans le soleil couchant. La vue est magnifique. La
végétation est très dense et haute. Tandis que nous mangeons une tarte au thon
suivis de rochers au coco sur Semeda, une pirogue à moteur passe puis repasse
non loin de nous. En passant près du ponton, nous avions remarqué des gens
endimanchés. Serait-ce le marabout qui s'en retourne après une cérémonie ? Nous
n'avons pas voulu aller aux nouvelles, préférant la quiétude des lieux. Dès le
lendemain matin, après une nuit d'un calme olympien, nous nous mettons à
l'affût jumelles en main. Après quelques dizaines de minutes nous apercevons notre
premier crocodile. Il est réellement impressionnant, comme dans les films : les
narines à l'avant, suivies des yeux, puis le dos rebondi prolongé par une queue
qui semble ne jamais finir. Un singe passe furtivement sans se faire croquer.
Nous entendons dans l'après-midi les cris de deux animaux (singes ?) qui
appellent visiblement au secours, puis plus rien : avons-nous assisté à leurs derniers instants ? Nous profitons de la marée pour
continuer notre route sur une courte distance et allons mouiller juste au sud de
Horse Island. Ce nom fût donné par les Portugais quand ils aperçurent près de
cette île leurs
premiers hippopotames. La nuit tombée des pêcheurs passent en pirogue à moteur, puis
s'enfoncent dans la mangrove dans un minuscule bolon à peine visible. Ils s'en
reviennent plus tard par le même chemin, arrondissant un piquet débordant tout
juste de l'eau. Il y a ici un chenal balisé qui sert aux pêcheurs locaux.
Nous levons notre mouillage au petit matin pour
continuer à progresser avec le courant. Nous nous arrêtons à l'embranchement
avec la première des îles des Deer Islands. Le panorama est magnifique et nous
change de la nature que nous avons pu observer jusqu'à présent. Nous partons en
exploration à l'intérieur d'un petit bolong que nous avons repéré à notre
arrivée. Nous croisons des pêcheurs qui lancent leur filet épervier. De nombreux
oiseaux s'envolent à notre approche. Nous entendons des hippopotames et pouvons
enfin les observer aux jumelles. Evidemment, nous ne tardons pas à sauter dans
l'annexe pour nous approcher et nous laisser dériver en silence non loin de
l'endroit où ils se trouvent. Le deuxième jour, renouvelant notre manoeuvre
d'approche, nous sommes surpris de constater que soit nous sommes passés
au-dessus en dérivant, soit ils ont plongé pour passer sous notre coque. Les
pêcheurs ne les craignent pas : les hippopotames plongent à leur approche et
éventuellement se déplacent. Par contre, quel régal de les entendre grogner et
bailler et de les observer sortir de l'eau et plonger. Nous ne nous lassons pas
! Les oiseaux aussi sont magnifiques. Nous avons toujours l'appareil photos à
portée de main. Un matériel plus performant ferait la joie de Cathy mais pour le
moment, il faut se contenter de ce que nous avons ! Ici, les pêcheurs se font
plus présents et viennent régulièrement nous demander eau, cigarettes, bonbons ou
argent. Après leur avoir rendu service à plusieurs reprises, nous leur demandons
s'il est possible de leur acheter du poisson. Là, notre surprise est grande
lorsqu'ils nous annoncent des prix dignes des supermarchés français et ils ne
veulent pas discuter le prix. Visiblement, nous sommes les toubab pleins de sous à leurs
yeux. Nous changeons alors d'attitude : leurs phrases commencent toujours par
"donne-moi ou give me" ; alors, lorsqu'ils nous demandent un "cadeau", nous leur
demandons ce qu'ils nous donnent en retour. Nous voulons bien donner, mais
quelque chose en retour nous parait normal. Nous pensons que trop de touristes
leur ont donné de tout et de rien sans rien attendre d'eux, dans la limite de
leurs moyens bien sûr, comme par exemple un prix normal pour du poisson, une indication où
laisser notre annexe... Sur nos voiliers, nous sommes privilégiés, certes, mais
leur attitude devient parfois pressante et envahissante. Souvent, depuis la rive, les
enfants se lancent vers nous dans leur pirogue, sans précaution et nous lancent
des "give me money, give me bonbons..." en oubliant même le "hello !".
Jusqu'à présent, à Dakar comme dans le Saloum, le contact avec la population a
toujours été très agréable ; le sentiment mitigé que nous ressentons ici nous
met mal à l'aise et nous incite à éviter le contact. Dommage.
Le mouillage suivant se situe entre l'île sans nom et Bird Island. Ici aussi, des hippopotames. Il y a d'après notre guide des crocodiles, mais nous n'arriverons pas à les observer. Le lendemain de notre arrivée, le voilier Kit Kat nous rejoint au mouillage. C'est toujours un plaisir de discuter avec Debbie et Sean. Nous avions fait leur connaissance à Dakar lors d'une soirée au CVD. Thé sur Semeda et soirée sur le Lili. Les discussions vont bon train et chacun échange tuyaux et impressions. Nous quittons le mouillage le lendemain et passons devant Red Hill : le mouillage semble bien sympathique et surtout nous devrions pouvoir descendre à terre et monter la colline. Une idée de mouillage pour notre retour vers Banjul. Au passage du village de Kuntaur, le nombre des enfants qui s'agitent à notre passage nous fait réfléchir : nous recherchons la tranquillité et ici, nous ne devrions pas la trouver ! Nous continuons notre chemin en passant au sud de Baboon Island. Les gardiens du parc national viennent avec leur bateau nous saluer. Ils sont très sympathiques et nous confirment que de nombreux singes vivent sur l'île. Nous ouvrons encore plus grand nos yeux mais n'en voyons toujours pas ! De notre mouillage, juste à la sortie de Baboon Island, nous avons la chance d'observer des hippopotames, non loin du bateau. Ils nous regardent avec insistance : "mais qu'est-ce que cet hippo blanc et jaune avec un arbre qui lui a poussé sur le dos ?" Puis ils s'ébrouent et plongent se rafraîchir un coup. Nous pouvons les observer sur la berge de toute leur taille. Ce mouillage est magnifique et nous offre un panel de vie animale comme nous en rêvions. Des singes jouent dans les branches des arbres. Ils sont très joueurs et se jettent d'une branche à l'autre ; parfois elle plie sous leur poids et ils se rattrapent à une autre. Nous entendons des cris ou des rires !
Nous relevons une nouvelle fois notre
mouillage pour nous diriger vers Georgetown, l'ancienne capitale. Lors d'un
passage entre deux îles afin de raccourcir le chemin, Lili s'échoue tandis que
notre sondeur nous avait donné 4 m. Nous refaisons route vers eux puis reprenons
le même chemin : échouage à nouveau. A la troisième tentative manquée, nous
décidons de prendre la "grande route" pour rejoindre Georgetown. Pendant ces
nombreux allers et retours, deux hippopotames nous observaient ; nous étions à
moins de 20 m d'eux et six passages, cela commençaient à faire beaucoup ! Ils
nous surveillaient attentivement, grognant de temps en temps, histoire de nous
rappeler que nous étions sur leur territoire ! L'arrivée à
Georgetown est
étrange : nous cherchons la ville, ou ce qu'il peut en rester. Un bac fait la
navette d'une rive à l'autre, un câble électrique est tendu au-dessus du fleuve. Kit Kat et un autre bateau sont passés dessous mais nous hésitons. A la VHF,
Debbie nous indique de passer bien près du bac du côté gauche, là où le câble est
encore assez haut. Notre tirant d'air et surtout celui de Lili(20 m) nous fait
renoncer. Notre périple sur le fleuve devait prendre fin à Georgetown, il
s'arrête donc avant le câble ! Nous allons enfin pouvoir ravitailler ! Eh
bien, c'est un doux rêve ! Nous descendons à terre avec l'aide d'un ancien qui
tient notre amarre ; il repart tranquillement sur sa pirogue à rame, après nos
remerciements. Nous rencontrons peu après le policier du coin : Slalim
surveillent les prisonniers sur un terrain clôturé. Il nous explique qu'ils
viennent ici chaque jour pour entretenir le potager où poussent plusieurs sortes
de légumes. Son épouse s'appelle Mégane ! En voyant le potager, nous sommes
confiants quant aux fruits et légumes que nous devrions trouver. Quelle
déception ! Les mammas Gambiennes exposent au marché quelques légumes rabougris,
tout juste mûrs ou alors, trop mûrs. Nous achetons quelques bananes délicieuses
(même mûres elles restent vertes), des sortes de tomates-courges qui seront
immangeables, une aubergine et deux minuscules baguettes. Chez un épicier, nous
trouverons quelques oeufs et en achetons 10 autres dans une autre épicerie. 3 Kg
de farine, deux boites de sardines à l'huile et quelques canettes de coca et ce
sera tout pour notre marché ! Nous pouvons jeter notre longue liste de courses !
En chemin, nous discutons avec les enfants. Un jeune d'environ 15 ans connaît
bien l'anglais et semble aimer parler avec les étrangers de passage. Cathy discute
un moment avec lui, jusqu'à ce que nous décidons de nous rafraîchir le gosier
dans un bar-restaurant-hôtel près du fleuve. Là, le patron endormi sur la
banquette nous accueille avec plaisir et reste avec nous discuter. Avant de
partir, ayant entendu dire qu'ici les papayes sont en telle quantité que les gens
les donnent, Dominique demande s'il peut en cueillir une. Il y a à l'entrée deux
papayers qui croulent sous le poids des fruits et nous n'avons vu aucune papaye
à vendre sur le marché. Domi cueille donc son fruit et remercie l'aubergiste.
Celui-ci nous indique le prix : 25 Dalasis la papaye ! Et nous qui croyions que
quelque chose pouvait être offert ! Naïfs que nous sommes ! De retour à bord,
nous plongeons les oeufs dans un seau d'eau : sur 10 oeufs, Dominique en
jette 6. De notre côté, sur 17 oeufs, nous en jetons 6 également. Décidemment,
Georgetown manque de vivres frais ! Après une journée de pose nous prenons le
chemin du retour.
Notre route nous conduit désormais
jusqu'à Banjul. En chemin, nous refaisons escale près de Baboon Island où nous
avions vu les hippos en quantité. Ils sont toujours là et nous pouvons les
photographier à souhait. De nombreux singes jouent dans les arbres et l'un d'eux
(qui semble le patriarche) nous observe en hurlant. Nous dérangeons ! Des
touristes, harnachés dans des gilets orange dans une barque à moteur,
s'approchent du lieu où vivent les hippopotames. Leur moteur fait tant de bruit
que les hippos plongent. Ils réapparaissent plus tard, lorsque les curieux sont
partis. ils sont bien une douzaine à grogner et leurs "dialogues" nous font
penser à une brève conversation suivie de rires ! Ils semblent se moquer des
touristes ! Notre approche pour les observer est bien différente : nous allons
nous poster à l'aide du moteur en amont du courant depuis lequel, moteur coupé et sans
mouvements dans l'annexe, nous nous laissons dériver vers eux en silence. Ca ne
manque pas : ils nous regardent mais ne s'effrayent pas. C'est magique ! C'est
digne d'une séquence "Emotion" de l'émission Ushuaia. Cette
nature est tellement belle ! Nous pouvons ainsi observer plusieurs familles
d'hippopotames qui vivent tranquillement sur le fleuve. Nous ne regrettons pas
les heures de moteur et la chaleur qui sévit ici. Record de 38° sur le Semeda.
Malheureusement nous ne voyons pas beaucoup de crocodiles. Mais en longeant Baboon Island, sur un banc de vase découvert par la marée descendante, nous observons les plus beaux spécimens. Ils sont monstrueux, se confondent avec la couleur de la vase et nous regardent passer sans aucune crainte. Pourquoi nous craindre d'ailleurs, ils ont des dents bien plus grandes que les nôtres ! Deux d'entre eux se battent dans l'eau, faisant d'énormes remous. Nous tournons un moment pour mieux les observer puis passons notre chemin ; le courant nous pousse vers la sortie !
Red Hill est couverte de chèvres, venues
boire au fleuve. Nous mouillons et attendons que la colline soit libre pour
l'escalader. De là-haut, le panorama est magnifique. Outre le fleuve, nous
pouvons voir de grandes plaines. Un village s'étend au nord et on peut deviner
les chemins tracés par le piétinement des villageois se rendant au fleuve. Une
mamma coupe des palmes de cocotier et les range en petit tas. Cela servira sans
doute pour le toit d'une case. Ici, tout est très
aride ; la terre est craquelée dès que nous quittons les abords du fleuve. Nous
n'apercevons plus le troupeau de chèvres venues boires l'eau du fleuve. Nous
nous demandons bien ce qu'elles trouvent à grignoter par ici. Les nombreux brûlis réalisés
ont rendu les terrains très secs. Notre route se poursuit, slalomant entre les
nombreux filets des pêcheurs par ici. Nous finissons par toucher du vent et nous
payons le luxe de
naviguer à la voile sur le fleuve. Profitant à la fois du
courant et du vent, nous dépassons même les 7 noeuds. Nous passons devant Tendaba à une telle vitesse que nous renonçons à nous y arrêter. Nous pouvons
parcourir pas mal de distance grâce au vent et au courant, donc pourquoi s'en
priver ? En 5 h 30 de navigation, nous avons réalisé lors d'une journée 5 heures
à la voile ! Le pied ! Les dauphins sont même ravis de nous voir et passent un
long moment à nager à nos côtés. Nous mouillons le soir sur le bord du fleuve
dès que le courant nous fait reculer ! Nous ne cherchons plus à explorer de
bolong particulier même si la magie du fleuve reste intacte. Les moustiques nous
accompagnent. Bien que nous bombons très régulièrement l'intérieur du bateau,
nous continuons d'être piqués. Heureusement, nous sommes relativement
tranquilles dans les cabines car nous avons une deuxième barrière de
moustiquaire !
Les
incendies accompagnent notre descente. Les Gambiens semblent vouloir en finir
avec leur pays et le brûlent à tout va. La fumée se répand un peu partout et nos
ponts sont parfois bombardés par des résidus de cendre. Nous avons un peu de mal
à en comprendre la raison. Nous apprenons que la culture sur brûlis fait
partie de leurs traditions. Pourtant, devant le peu de nourriture qui en résulte
et l'appauvrissement à long terme de la terre, nous restons dubitatifs. La
Gambie est belle de part sa nature sauvage et préservée. La saccager ainsi nous
parait inconcevable. Le tourisme naturel devrait plutôt être mis en avant car le
fleuve, les animaux intéresseraient sûrement beaucoup de candidats au voyage
écolo. Enfin, il s'agit là de notre point de vue personnel et nous ne
connaissons rien des souhaits et besoins du peuple Gambien.
Nous passons Banjul et ses épaves pour nous diriger vers le bolong menant à Oyster Creek. L'entrée n'est pas évidente. Notre guide écrit par Steve Jones nous précise que le passage se fait en 3/4 d'heure. Le Lili callant 2,40 m de tirant d'eau, il navigue doucement, revient régulièrement en arrière pour trouver un passage plus profond. Au dernier virage, il se plante dans la vase : le passage était si près de la mangrove que la coque passe quasiment à la toucher. Enfin, mouillés à Oyster Creek, nous pouvons apercevoir l'océan, derrière le pont qui passe sur la rivière. Nous avons mis près de deux heures pour le passage ! De là, nous allons à terre pour tenter d'arrêter un taxi et nous rendre à Tendaba où nous savons qu'un cybercafé existe. Eh bien pas de taxi : l'heure du retour chez soi a sonné pour les travailleurs Gambiens et taxis comme bus sont pleins à déborder, tous fuyant la capitale vers le sud. Nous reviendrons demain ! Nous buvons une bonne bière fraîche bien méritée lorsque nous faisons la connaissance de Ria qui travaille en qualité de manager dans un hôtel sur la côte. Elle nous indique où trouver cybercafé, supermarket... et nous dessine un plan. Grâce à son aide, nous gagnons un temps précieux le lendemain. Cela ne nous empêche tout de même pas de beaucoup marcher car l'avenue où nous pouvons tout trouver fait 3 Km de long ! Au cybercafé en premier : nous avons hâte de connaître les dernières nouvelles et aussi de prévenir les personnes qui pensent à nous qu'aucun croco ne nous a trouvés à son goût !
Les courses dans un supermarket sont un peu comiques lorsqu'il s'agit de payer la note. L'autocollant de la carte visa étant apposé sur la porte d'entrée, Cathy demande confirmation en passant près de la caissière (sait-on jamais !).Non non, c'est possible de payer par carte ! Lors du paiement, le côté comique fait son apparition : le gérant s'en va avec la carte de Cathy qui se renseigne : il téléphone au Kenya pour savoir s'il peut accepter la carte (ou fait-il une copie ?). Après quoi, téléphone en main, il demande si nous acceptons de payer en dollars ; nous rappelons que nous payons par carte et en Dalasis car nous sommes en Gambie ! Explication : il prélève le montant sur la carte, après l'avoir converti en dollars, puis arrondi aux dollars supérieurs. Après quoi, il nous rend en Dalasis la différence ! C'est simple effectivement ! Et là, il sort une "repasseuse" du siècle dernier, sous les yeux ébahis de Mégane !
Le lendemain, retour en ville en bus cette fois pour quelques courses. Nous pouvons également faire le plein de gazole à Oyster Creek, à l'aide de l'annexe. Lorsque l'on est face au pont, prendre le petit bolong à droite et avant les épaves, prendre à gauche le petit passage, derrière le bâtiment gris (qui est en fait la station-service). Là, il est possible de bidonner et de faire autant d'allers-retours que nécessaire tant la distance à parcourir est courte. Pour le plein d'eau, c'est de l'autre côté du pont, toujours avec des bidons. L'eau est bonne, parait-il.
Nous décidons de quitter Oyster Creek le lundi 13, en utilisant le passage "alternatif" qui, d'après les pêcheurs du coin, est plus facile. Mouillage levé, nous faisons route quand le Lili se plante une première fois. Puis une deuxième fois. Puis c'est au tour de Semeda de s'arrêter net alors que le sondeur indiquait 2,40 m. Nous avons du mal à nous dégager et il nous faut l'intervention des deux annexes pour faire pivoter Semeda sur son axe. Nous décidons de faire demi-tour car nous parcourons le passage le plus facile de cette voie. Qu'en sera-t-il du difficile ? En refaisant route vers Oyster Creek, Semeda se plante à nouveau et une fois encore, il nous faut les deux annexes pour nous tirer de là. C'en est trop pour aujourd'hui ! Nous remouillons à Oyster Creek. De là, Jean-Michel et Dominique vont en annexe jusqu'à Banjul pour faire les formalités sortie.
Nous repartons le lendemain pour aller mouiller devant le port de la capitale. La route se passe plutôt bien, nous croisons deux grosses pirogues transportant des touristes. Sur la dernière, le barreur ne voit pas la route : il a la "cahute" contenant les toilettes pour touristes juste devant lui. Ce sont deux équipiers qui depuis l'avant lui disent d'aller à droite ou à gauche ! A la sortie du bolong, nous savons le passage délicat. Et ça ne loupe pas : nous nous plantons ! Cette fois, nous sortirons seuls avec le moteur du bord ; les annexes avaient été mises en remorque pour le cas où elles seraient nécessaires à nous dégager. Au total, nous arrivons donc en deux jours à quatre plantages ! Souhaitons que les coquillages sous la quille en aient profiter pour changer de logement ! A Banjul, nous retrouvons au mouillage les Mariérik et Afun Davu que nous avons rencontrés à Dakar. Cette année, la Gambie reçoit beaucoup de visiteurs. Nous en comptons 12 durant notre séjour de 4 semaines. Nous leur souhaitons encore plus de visiteurs. La faune et la flore de ce pays sont réellement à voir, avant qu'il ne soit trop tard, sur cette planète qui court sans arrêt après l'urbanisation au détriment de la beauté même de la nature si fragile. Avec les filles, nous avions décidé de troquer le carnaval de Salvador contre la nature sauvage de la Gambie. Nous ne le regrettons pas du tout, même si le carnaval doit être un moment fort à vivre !
Afun Davu commence son périple sur le fleuve et nous nous retrouvons tous sur le Lili pour les échanges de tuyaux ! La soirée se passe en langue anglaise car Werner et Emmy sont Allemands. Jean-Michel fait de réels progrès et intervient de plus en plus souvent dans la conversation. Génial !
Avec la marée de mercredi, nous sortons de la passe à la faveur du courant sortant. Lili nous quitte pour remonter sur Dakar. Nous pointons vers le Sud, direction la Casamance. Nous espérons tous que nous nous retrouverons dans un prochain mouillage, de l'autre côté de l'Atlantique. Et pourquoi pas au Brésil cette année ?! Une super famille et équipage, ces "Lili" !
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