La Guyane Française

 

En quittant Fortaleza, nous aimerions bien faire une route directe sur la Guyane. En examinant la carte, nous remarquons que dans ce cas, nous devrions passer au bon milieu des plates-formes pétrolières. La tactique la plus intéressante à notre goût est de les laisser sur notre bâbord et ainsi gagner les hauts fonds plus rapidement. Tant que nous sommes dans des petits fonds, la houle continue de nous secouer. Avec les nombreux jours de vent que nous avons subis, elle n'est pas sur la voie de l'apaisement ! Nous prenons encore une fois notre mal en patience et acceptons les mouvements. Le courant n'est pas très important au départ puis augmente progressivement. Tant mieux, nous avançons plus vite ! Les plates-formes sont bien visibles et nous y arrivons de jour. Elles sont nombreuses et espacées et bien que nous avançons à une bonne vitesse, à la nuit tombée, nous continuons de naviguer à leur vue. Heureusement, elles sont parfaitement éclairées et nous ne risquons pas de les louper ! Nous remarquons de nombreux pêcheurs dans cette zone. Ils sont mouillés et, face à la houle, font des bonds dans leur embarcation en attendant que les poissons se prennent dans leurs filets. Cette zone doit être sécurisante pour eux car les tankers passent au large des plates-formes. Nous comptons plus de 25 bateaux de pêche dans la nuit et notre cap doit de temps en temps être modifié pour ne pas les couper en deux ! Après ce passage un peu délicat, nous mettons le cap direct sur l'entrée de la rivière Mahury en Guyane Française où nous devrions rejoindre une marina. Nous naviguons ainsi dans des fonds supérieurs à 1 000 mètres et ne rencontrerons plus aucun pêcheur. Sur cette marina les avis sont partagés : elle existe ou n'est encore qu'un projet sur le papier ? Xiloa qui y est déjà nous annonce : pas de ponton, pas d'eau, pas d'électricité. Nous verrons bien !

La mer est très poissonneuse. Nous mettons notre rapala à l'eau et une belle dorade coryphène mord à l'hameçon. Nous la remontons progressivement, le croc est prêt, la bassine aussi. Nous voyons notre repas sortir de l'eau et faire un bond d'au moins un mètre pour nous montrer ses belles couleurs : vert et jaune, plus de doute, elle est brésilienne ! Quand elle replonge, elle se décroche et nous restons là, les bras ballants, la cherchant des yeux. Mais la ligne est à nouveau molle et la belle est bien partie. Bah ! Ce sera pour la prochaine fois ! De nombreuses touches au cours de cette journée, nous remonterons jusqu'à la jupe du bateau un drôle de poiscaille tout gris mais il nous lâchera aussi. Une petite bonite finira tout de même dans nos assiettes. Quel plaisir de manger du poisson frais !

 

Cayenne

Après 6 jours de navigation, nous approchons du but, mais les horaires de marée nous imposent de rentrer dans la rivière tôt le matin. Le vent est faible, et nous n'avons pas envie de lancer le moteur. Jusqu'à présent, nous ne l'avons utilisé que cinq heures sur une navigation de 1 000 milles et son ronron ne nous manque pas ! Nous décidons que nous rentrerons dans la rivière dans l'après-midi. Le jeudi, nous arrivons tranquillement entre les îlets Père et Mère, tentons de repérer les bouées indiquant les épaves éparpillées et le chenal qui lui est dragué en permanence. Nous avançons doucement, sous génois seul avec le petit vent qui nous pousse gentiment, nous laissant le temps d'observer la flore luxuriante sur les îlets. Le chenal fait environ 4 milles de long et il est parfaitement balisé. Il est dragué en permanence par une barge spéciale que nous croiserons lors de notre remontée. Après avoir laissé sur tribord la base navale et le port de commerce nous arrivons à la marina. Nous trouvons là quelques pontons squattés par des bateaux ventouses qui pour certains ne reprendrons jamais la mer. Nous trouvons une place à couple d'un vieux voilier en acier. Un couple franco-suisse connu aux Canaries est là et nous aide à la manoeuvre. Avec le fort courant il ne faut pas se louper. Une fois amarrés, ils nous donnent les premiers tuyaux. Nous sommes bien au bout du monde, la première boulangerie est à 6 kilomètres.

Le lendemain l'équipage du Xiloa nous apporte pain frais et camembert ! Cela faisait si longtemps que nous n'avions pas mangé du vrai pain. Il nous confirme que sans voiture nous ne pourrons pas faire grand chose. Dans l'après midi, Vincent, un moniteur de sport en poste à la base navale vient nous voir. Il suit notre périple depuis le début et prépare également un voyage dans quelques années.

Vincent se met en quatre pour nous aider et grâce à lui nous faisons nos premiers repérages dans la ville. Nous faisons des courses de frais au Cora (grande surface du style Carrefour en petite taille tout de même), achetons un téléphone portable qui nous servira également en Martinique et en Guadeloupe. Nous faisons la connaissance de Michèle, amie de Philippe rencontré à Fortaleza. Le samedi soir, nous sommes au restaurant avec Vincent et Soizic, dans un lieu très agréable. C'est exquis et Jean-Michel dévore les nombreuses crevettes : il a choisi le menu "pirogue" qui lui permet de se servir autant de fois que désiré dans les plats exposés sur la pirogue, dont les crevettes bien dodues.

Dès le dimanche, nous voilà en excursion avec les équipages de Xiloa et Grikypac : nous remontons la rivière jusqu'à l'auberge Mahuri. Là, nous déposons nos sacs et hamacs et continuons la remontée de la rivière pour le pique-nique. Nous trouvons un endroit sympathique d'où nous pouvons nous baigner et nous installons pour l'après-midi. Les enfants n'attendent pas longtemps pour se jeter dans l'eau rafraîchissante et les parents les suivent rapidement. Il fait très chaud ! Mais il faut profiter de la marée pour redescendre vers l'auberge où nous devons installer nos hamacs avant la nuit. Les annexes sont de nouveau nos pirogues et les enfants sont ravis de pouvoir bénéficier de la leur. Là, nous avons à disposition baby-foot et table de ping-pong. Nous y jouons à tour de rôle car il fait si chaud que les parties ne s'éternisent pas ! Cathy, Mégane et Daphnée n'ont pas de hamac car nous n'avons pas eu le temps de nous équiper à notre arrivée (pas de voiture...). Une chambre est mise à leur disposition mais la literie n'est pas fournie afin de bénéficier du même tarif que pour les hamacs : 5 € par personne. C'est le prix pratiqué dans la plupart des carbets. La chambre est propre, des moustiquaires aux fenêtres. Nous sommes juste séparés des dormeurs en hamac par les moustiquaires. Nous étendons nos sacs de couchage tandis que Jean-Michel installe son hamac et adapte la moustiquaire que nous avons pour un lit de deux places. Des noeuds ici et là et il est à l'abri des agressions extérieures. Le soir, les lumières des néons sont allumées... mais rapidement éteintes. Nous pouvons remarquer des papillons de nuit provoquant la papillonite : ces papillons lorsqu'ils se sentent agressés ou tout simplement en vol ou lors d'un frottement, lâchent des fléchettes minuscules, qui pénètrent la peau. Elles sont très urticantes et donnent des boutons de petite taille mais qui démangent au point de devenir fou. Jean-Louis de Grikypac en a déjà fait l'expérience. Dans la soirée, Cathy se rend momentanément dans la chambre avec Mégane et remarque un beau cancrelat près du sac. Beurk ! Une course s'engage et ce n'est pas la petite bête qui a le dessus ! Pas un mot à Daphnée, elle a horreur des bestioles ! Plus tard, un autre passage dans la chambre et nous voyons un papillon de nuit voler : pas de doute, il va nous donner la papillonite. Heureusement, Thomas de Grikypac accepte de nous en débarrasser en se munissant d'une serviette en papier : il coince avec précaution le papillon, qui ne l'a pas vu arriver, dans la serviette et le jette à l'extérieur où il ne fera de mal à personne. Ouf ! Nous avons eu assez de bêtes pour la soirée ! Les moustiques, ce n'est rien, nous en avons l'habitude ! A l'auberge, nous avons la chance de profiter de sanitaires dignes de ce nom, toujours propres. L'eau de pluie est recueillie dans de grandes citernes. L'électricité est fournie par des panneaux solaires (un groupe électrogène est prévu pour prendre le relais si besoin est). Les poissons sont pêchés dans la rivière juste avant le repas ! Valentin est allé relever le filet peu avant de commencer la préparation du dîner et a ramené de beaux et gros poissons délicieux. Pourtant, le filet est resté à l'eau moins de deux heures ! Le repas est exquis et presque trop copieux ! Thomas reste éveillé tandis que nous allons nous coucher. La nuit bien avancée lui permet d'observer quatre caïmans venus chercher pitance aux pieds du carbet !

La nuit en hamac est très agréable. Un seul bémol : inévitablement, vous dormez sur le dos et dans cette position, les ronfleurs s'en donnent à coeur joie ! Qui plus est lorsque la soirée a été arrosée avec autre chose que de l'eau ! Nous aurons la surprise de découvrir le ronflement de Jean-Louis qui est incroyablement fort, entrecoupé de très longues apnées. Impressionnant. Mais nous sommes tous si fatigués que nous dormons à point fermé. Le chant des crapauds est très fort mais ne réussit pas à couvrir les ronflements ! Au petit matin, le panorama est superbe ; la rivière est calme et les couleurs de la forêt semblent encore plus belles. Un bon petit déjeuner devant ces beautés de la nature et nous sommes prêts à affronter le retour vers nos bateaux.

Le mardi, nous louons une voiture pour quinze jours afin de ne plus être bloqués aux pontons de la marina. Nous passons le reste de la journée avec Michèle et Josie qui nous accueillent dans leurs maisons. Michèle habite au bord de la plage et ainsi bénéficie de la fraîcheur de l'océan. Elle peut assister chaque année à la ponte des tortues luth et olivâtres, ainsi qu'à l'émergence. Parfois, les bébés tortues ne trouvent plus la mer et viennent se perdre dans sa cuisine ! Josie garde une maison pendant que les propriétaires, des professeurs, sont en vacances en France. C'est très courant ici afin de se protéger des vols. Les filles profitent de la piscine et nous continuons nos discussions. Toutes deux ont une vie hors du commun ! Michèle, venue en vacances voir sa fille pour quinze jours, est restée en Guyane et s'y trouve depuis 17 ans ! Dans le même temps, sa fille ne se plaisant pas est repartie au bout de trois jours ! Josie quant à elle, institutrice en coopération a bourlingué de part le monde et visité de nombreux pays.

Maintenant que nous sommes véhiculés, nous pouvons enfin faire ce que nous avons prévu ! D'abord le cybercafé : il y en a un à Rémire et Cathy s'y précipite... pour ressortir dépitée ! Craignant le terrorisme, le propriétaire a blindé les pc et il est impossible d'ouvrir la clé USB où se trouvent le logiciel de messagerie avec tous les courriers au départ ainsi que le logiciel pour mettre notre site à jour. Mais quel pays ! Qui a envie de faire sauter une bombe ici ? Le danger vient plutôt des orpailleurs à priori ! Enfin, il faut faire avec. Nous trouvons à Cayenne un cyber tenu par des chinois et pouvons envoyer nos courriers... plein de signes chinois en remplacement des lettres avec accent ! Il y a ici plusieurs Leader Price et nous pouvons faire quelques courses à prix un peu plus raisonnables. Avec les différentes enseignes françaises, nous finissons par trouver une à une les petites choses qui nous manquaient : fusible de 10 A en 5x20 mais aussi dans la taille supérieure, des nouveaux joints pour nos bocaux, des moustiquaires pour nos hamacs, le complément d'homéopathie impossible à trouver depuis Dakar, des revues françaises pour assouvir notre soif d'infos... En outre, nous n'avons plus besoin de préparer nos phrases avant de nous exprimer ! Ici, tout le monde parle le français ! A ce propos Mégane nous fait une réflexion en plein marché : "maintenant que tout le monde parle notre langue, on doit chuchoter pour se parler si on ne veut pas qu'ils comprennent !

Nous finissons par trouver en circulant en voiture, un réseau Wifi non sécurisé près de la boulangerie. Nous réussissons à nous y connecter et revenons régulièrement sur le parking pour le courrier et aussi mettre notre site à jour. Nous restons même une fois pendant une heure afin d'effectuer des recherches !

Avec l'équipage du Xiloa et du Grikypac, nous nous rendons dans le village de Cacao. Une fois quitté la grande route, nous passons notre temps à zigzaguer afin d'éviter les nombreux et énormes trous. Difficile d'avancer tant le réseau routier hors des routes principales est en mauvais état. A Cacao, nous avons rendez-vous avec un passionné des papillons. Il a créé un musée qu'il ouvre au public et nous attend pour une visite guidée. L'exposition est grandiose et on imagine le temps passé à attraper tous ces insectes, à les préparer et les exposer. Nous sommes captivés. Nous faisons la connaissance de l'espèce d'araignée qui a tourné dans "Harry Potter". Notre hôte la prend dans sa main afin de nous montrer qu'elle est inoffensive. Mégane se prend d'amitié pour la mygale matoutou (avicularia metallica) qui est l'espèce de mygale que nous pouvons voir dans le film "un indien dans la ville". Cette espèce étant sans danger, elle nous informe qu'elle veut adopter et élever une mygale matoutou vivante ! Ben voyons ! Nous allons pique-niquer au bord d'une rivière où les enfants en profitent pour se baigner. Daphnée et Malaurie s'amusent à se peinturlurer le ventre avec la latérite. Au concours filles contre garçons, elles ont gagné ! Nous continuons notre visite du coin et nous arrêtons devant un château digne de la belle au bois dormant : tout de bois, il a été construit par un passionné. Encore un ! Il conserve dans son château des serpents qu'il soigne avant de les relâcher dans la nature. Il propose notamment des sorties en soirée afin de rechercher des serpents en forêts. Tout le monde est très attentif. On ne rigole pas avec ces bêtes ! Tout à tour, il nous les présente : boa arc-en-ciel, boa de cook, boa maurus, serpent corail, couleuvre... Sur ses indications, nous les prenons en main tour à tour. Même Jean-Michel qui n'aime pas ces gentils animaux accepte de prendre un petit serpent (le serpent corail, très dangeureux tout de même !). Daphnée et Mégane, comme leur mère, sont ravies et ne loupent pas un seul animal ! Après les mygales et autres insectes plus ou moins repoussants, nous voici avec les serpents qu'en général l'humain préfère regarder de loin ! La Guyane nous permet de voir une nature différente et de mieux nous la faire comprendre. A présent, nous regarderons d'un autre oeil ces insectes et serpents ! Nous avons appris qu'un scorpion ne pique pas son support : s'il est juché sur votre main (ou ailleurs sur votre corps), vous ne risquez rien. Ne bougez pas et attendez patiemment qu'il s'en aille. Pour une mygale, c'est différent : approchez doucement les lèvres et soufflez : elles ont horreur du vent et s'en vont, sans vous piquer.

Avec les mêmes équipages, nous faisons une ballade sur un sentier connu et pratiqué le week-end par les habitants de Cayenne. Après seulement cinq minutes de marche, nous observons des singes qui batifolent dans les arbres, ainsi qu'un paresseux qui avance... à la vitesse d'un paresseux, ce qui veut dire de 20 centimètres en dix minutes d'observation ! La nature sauvage est partout. Nous avons la chance de voir un colibri butiner devant notre voiture, sur le parking de la marina ! Sur le chemin y menant, un iguane traverse la route et se réfugie dans les hautes broussailles. A marée basse, toujours à la marina, nous observons deux ibis rouges venus chercher pitance dans la vase. Nous sommes si concentrés et émerveillés que l'appareil photos a tendance à être oublié ! Désolés !

Nous allons pique-niquer à la crique de Fourgassier. Là, une rivière serpente et crée des petits torrents et retenues d'eau. Idéal pour le pique-nique. Nos amis Vincent, Soizic et leur petit Gaspard nous accompagnent. Les filles se rafraîchissent dans l'eau claire. Le cadre est très agréable et en ce dimanche, beaucoup de personnes ont eu la même idée ! Des papillons morpho (gros papillons bleus typiques de la Guyane) viennent nous visiter à l'heure du repas. Les filles font quelques glissades... les maillots vont-ils tenir le coup ?!

Plus tard, nous nous rendons à la piscine de Matoury. Là, un grand toboggan fait la joie des petits... et des grands ! Un plongeoir haut de 3 mètres attend nos enfants. Pour l'occasion, Axel et Malaurie sont avec nous. Aucun des quatre ne voudra s'arrêter ! Juste le temps de manger un ou deux biscuits, debout, et hop les voilà repartis ! Ce centre ne vaut pas nos Aqualand et autre Aquatrucs, mais il permet de s'amuser en toute sécurité. Quant aux parents, les chaises longues les attendent, à l'ombre ou au soleil, au choix !

La Guyane est un département d'eau mais aussi de forêts. Nous allons en ballade, sur le sentier de la Mirande, chaussures de marche aux pieds. Nous empruntons un sentier de découverte de la forêt primaire et la marche devrait durer moins de deux heures. Les oiseaux sentinelles annoncent notre venue aux autres habitants de la forêt, qui ont le temps de se cacher à notre vue. Eux, par contre, nous voient très bien et nous entendent aussi ! Les panneaux indiquant les espèces végétales que nous pouvons observer sont recouverts de mousse verte. Les champignons sont nombreux et de toutes tailles. Celui qui ouvre la marche reçoit sur son visage les nombreuses toiles d'araignées tissées en travers de notre chemin. Nous avons la chance d'observer une toute petite grenouille de couleur orange, remarquée par Axel. Il commence à avoir l'oeil ! Elle est minuscule et cachée par des feuillages. Notre approche ne l'effraie pas et elle se laisse prendre en photo volontiers ! Une rivière que nous enjambons à plusieurs reprises nous permet de nous rafraîchir. Peu avant l'arrivée au parking, nous observons des singes, nombreux dans un palmier. L'un d'eux est plus proche de nous et mange tranquillement. Notre regard ne l'intimide pas.

Dans un registre tout différent, nous avions au programme de notre passage en Guyane la visite du site de lancement de notre célèbre Ariane 5. Nous y allons en voiture pour la journée avec les Xiloa. Au programme du matin : visite du musée. Nous y voyons exposés des maquettes, des satellites, des reconstitutions d'événements de la conquête spatiale comme les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune. La visite du musée se fait sans guide et nous perdons un peu de temps à nous repérer. Pourtant, Mégane note et remplit des pages sur son carnet. Elle se passionne pour tout ! Nous attendons le moment où elle va nous annoncer qu'elle veut adopter une Ariane ! Une salle où des ordinateurs sont mis à notre disposition nous permet de voir des films tels que le dernier lancement d'Ariane 5. Nous mangeons au Mac Do pour le déjeuner. Pour nous, c'est la deuxième fois que nous y allons en un an. La digestion sera encore difficile pour Cathy ! De retour sur le site d'Ariane, nous allons chercher notre badge afin de continuer notre visite. Il faut présenter passeport ou carte d'identité en cours de validité pour chacun, y compris les enfants car une partie de la visite est réservée aux enfants ayant atteint 8 ans révolus. Malaurie, n'ayant que 7 ans, ne pourra effectuer toute la visite. Nous nous dirigeons vers la salle Jupiter, où sont accueillis les VIP lors des tirs. Le fonctionnement du site, les partenaires, les différentes étapes de montage... tout nous est expliqué. Nous allons ressortir de là un peu moins bêtes ! Mégane continue de griffonner sur son carnet. Daphnée, devant tous ces ordinateurs sur les pupitres derrière la vitre, changerait bien de place pour aller pianoter ! Après toutes ces informations, nous prenons le bus, sans Colette et Malaurie qui retournent au musée pour nous attendre. Nous passons devant des bâtiments plus ou moins à l'abandon. Certains ont servi lors des tirs d'Ariane 1 ou 2 ou 3, d'autres pour Ariane 4 et nous arrivons enfin sur le site consacré à Ariane 5. Là, nous sommes à nouveau accueillis dans une salle, d'où nous pouvons observer de nouveaux pupitres : les ordinateurs semblent plus anciens ! Nous sommes dans une zone blindée, toute proche du lieu de lancement. Après les explications fournies de nos guides, les questions fusent du public. Quel carburant ? Où est-il produit ? Que deviennent les déchets des réservoirs rejetés lors du lancement... Ce dernier point souligne une lacune dans toute cette technologie. Nous sommes surpris par les nombreuses questions ayant trait à l'écologie. Prise de conscience de la population ? Toujours est-il que nous ne sommes pas convaincus par les réponses : les réservoirs, bien que biodégradables, retombent dans l'océan. Nous avons lu le récit d'un voilier naviguant vers les Marquises et qui a vu une grosse masse indéterminée tomber très près du bateau. Un morceau d'une Ariane ? Ces réservoirs ne sont pas récupérés, sauf en cas de décision d'analyse de l'impacte de la combustion du carburant sur les parois. Dans ce cas, ils sont munis de parachutes et récupérés en mer. Par soucis d'écologie, pourquoi ne pas effectuer cette manoeuvre à chaque tir, pour le bien des océans de notre planète qui n'ont pas vocation à être des décharges ? Même si c'est une décharge grand luxe pour recevoir les débris d'une Ariane ! La pollution atmosphérique résultant de la combustion des différents carburants est elle aussi éludée. La réponse reste vague. Pourtant, avec ce lanceur, nous sommes à la pointe de la technologie. Ne pourrait-on pas pour une fois allier les deux ? Imaginez que l'Avenir, l'Espace et la Conservation de notre belle planète soit sur un pied d'égalité ! Bon, John Lenon a déjà rêvé tout haut dans sa magnifique chanson "Imagine" et il a quitté le monde avant d'avoir vu se réaliser un seul de ses couplets. Alors, notre souhait n'est qu'illusion !

Avant de quitter le centre, nous sommes repassés par le musée afin d'assister à une petite démonstration au "planétarium". Tous assis sous une coupole gonflée à l'air, nous observons les étoiles se révélant sur la paroi, au-dessus de nos têtes. Notre hôte fait tourner la grosse boule afin que les étoiles se déplacent. Nous voyons ainsi le ciel, tel que nous le voyons en mer. Nous reconnaissons certaines étoiles comme la grande et la petite ourse, mais aussi la croix du sud et la ceinture d'orion. La démonstration est très intéressante et nous notons le nom d'un logiciel en téléchargement gratuit sur Internet : www.stelarium.org Avec ce logiciel, vous pouvez sélectionner la ville où vous vous trouvez (ou la plus proche), et le ciel présentera toutes les étoiles telles que vous les voyez et où que vous soyez. C'est très pratique car les plaquettes montrent trop souvent le ciel vu de Paris. Lorsque l'on se trouve au Brésil, on ne voit pas du tout la même chose !

Nous devons rendre notre voiture de location. Vincent met à notre disposition une autre voiture pendant le reste de notre séjour. Génial ! Lorsque nous rapportons la voiture de location chez Ecocar, nous avons la surprise de nous voir facturer un lavage de la voiture à 30 euros. Etant donné le prix demandé pour 15 jours, nous pensions que le lavage était compris dans la facture. Eh bien non, tout est bon pour vous arnaquer. Nous ne vous recommandons pas ce loueur de voiture qui en plus n'est là que par intermittence.

A bord, le travail continue : lavage, entretien, réparations... Nous avons reçu la pièce du guindeau commandée à notre ami Joël d'Astérix en France. Jean-Michel l'installe donc à poste et... ça ne marche toujours pas. Finalement, nous avons dédouané le contacteur, les bobines, le moteur du guideau. Il ne reste que les fils de l'alimentation. Jean-Michel coupe et remet tout à neuf et là... ça marche ! Ouf ! Nous pouvons mouiller et remonter notre chaîne... jusqu'à la prochaine panne ! Le moteur hors-bord continue de nous poser problème. L'essence brésilienne n'a pas été particulièrement appréciée, et bien que nous lui donnons désormais de l'essence guyanaise, il continue de faire la mauvaise tête. Un soucis dont Jean-Michel se serait bien passé, car nous allons désormais faire beaucoup de mouillages. Nous en avons besoin.

Un peu de repos de temps en temps : à dix minutes en voiture, nous avons trouvé une petite plage pour que les enfants se défoulent un peu. Nous y allons avec Axel et Malaurie et avons la chance d'assister à l'émergence d'une petite tortue Luth. La pauvre petite a la vie dure : une dame qui l'avait remarquée l'a retirée de la bouche d'un chien. Ici, les chiens aiment beaucoup s'amuser avec ces petites tortues et en prélèvent une certaine quantité chaque année. Après l'avoir reposée sur la plage, la tortue reprend sa route vers la mer. La malchance s'abat sur elle lorsqu'un garçon arrivant à la plage en famille marche sur notre rescapée. Tout de sable recouverte, elle s'accroche à la vie et reprend sa route, fatiguée, découragée et sans doute démoralisée. Elle "tire à gauche" : le poids du garçon a visiblement endommagé une de ses nageoires. Nous l'aidons un peu dans sa progression. Elle finit par atteindre la mer mais les vagues la ballottent. Elle ressort la tête pour respirer mais ne semble pas vouloir nager. Nous la laissons là, en lui souhaitant bonne chance. Elle en aura visiblement besoin.

Le Grand Jour est arrivé : Ariane 5 va décoller pour la 33ème fois et mettre en orbite deux satellites. Nous n'allons pas rater l'évènement ! Nous allons en voiture jusqu'à Kourou, et nous ne sommes pas seuls sur la route ! Même si les Guyanais semblent un peu blasés devant un nouveau tir, nombreuses sont encore les personnes à s'y intéresser, en particulier les gens de passage. Le site de Carapa nous a été désigné comme le meilleur, en tenant compte du fait que nous sommes accompagnés par des enfants de moins de 16 ans. De la colline, placés à 16 Km de la zone de tir, nous pourrons voir la totalité du lancement, jusqu'à la disparition de la petite lueur dans le ciel. Mieux vaut ne pas partir trop tard, car le site ne peut recevoir plus de 1 450 personnes, lesquelles sont consciencieusement comptées à l'entrée. Nous nous garons et approchons du portail. Pour le moment, il nous faut attendre sur le bord de la route que le site soit ouvert au public, mais les gendarmes sont là pour veiller à notre sécurité. Dès que nous pouvons grimper la colline, nous ne tardons pas ! A l'entrée, les sacs sont inspectés car l'alcool est interdit sur le site ; les bières sont confisquées et pourront être récupérées à la sortie. De là-haut, nous avons une vue directe sur l'entrée du site avec la maquette au 1/1 d'Ariane 5. Ne pas se tromper : ce n'est pas celle-là qui va décoller ! Il faut regarder plus au loin : il y a une petite lueur et avec les jumelles, nous pouvons remarquer les bras qui retiennent encore le lanceur. Tout le monde discute car l'heure n'est pas encore venue. Nous profitons de cette attente pour manger nos sandwichs. Le moment du décollage approchant, chacun se positionne face à la zone de lancement. A l'heure dite, sans attendre d'avantage, le lanceur allume ses boosters. Puis c'est le tour du moteur Vulcain et voilà notre Ariane du jour qui s'élance. La vitesse est incroyable. Elle illumine le ciel avant de se cacher derrière un premier nuage. Elle réapparaît pour franchir une nouvelle zone de nuages. Enfin, la voie est libre. Elle ne se cachera plus à nos yeux ! Toutes les têtes se tournent au risque de se tordre le cou pour ne pas la quitter des yeux. Vient enfin le moment où elle largue ses boosters pour continuer seule. Elle devient bien trop petite pour nous. Nous ne devinerons plus les différentes étapes. Chacun range ses appareils photos et caméra. Pour notre part, croyant que la noirceur serait un handicap, nous n'avons pas sorti l'appareil ! Nous gardons les images dans nos souvenirs ! Il faudra revenir pour rapporter des photos ! Nous reprenons la route du retour, ravis d'avoir assisté à l'évènement. C'est réellement quelque chose à voir et nous ne regrettons pas nos 60 Km aller et retour !

Il va bientôt falloir songer à quitter la Guyane. Avant cela, nous devons remplir nos coffres des bons produits alimentaires français car nous ne les retrouverons qu'en Martinique ! Nous faisons donc en plusieurs jours nos courses de vivres. Nous profitons encore un peu du bon pain, mais ne goûtons même pas aux tomates que l'on trouve ici : à 5 € au marché, nous les avons vues à 10 € le kilo au supermarché local ! Car la Guyane coincée entre deux pays où le revenu moyen est plutôt faible, se comporte comme un département de riches (et pourtant les RMistes sont très nombreux ici). Tout est cher. Notre bourse commence à faire la tête ! Pas de doute, il faut aller voir au Venezuela si les fruits et légumes sont plus abordables. Par contre, nous n'y trouverons sans doute plus notre bonne baguette ! On ne peut pas tout avoir ! Avant de larguer les amarres pour les îles du Salut, nous rendons visite à Michèle qui nous a si gentiment accueillis à notre arrivée et passons la soirée avec Vincent, Soizic et leur petit Gaspard. Grâce à leur accueil et leur gentillesse, notre séjour a été facilité. Nous leur souhaitons de réaliser à leur tour leur rêve de naviguer et garderons bien évidemment le contact. 

Kourou

Nous larguons les amarres, en route vers les îles du Salut. Nous ne traversons pas entièrement le chenal et en sortons afin de passer sous le vent du "Père". Un peu de vent nous permet de dérouler le génois et, portés par le courant, nous avançons gentiment. Nous arrivons au mouillage sous le vent de Saint Joseph, où nos amis de Xiloa nous attendent. Luc est sous la coque où il tente de déloger tous les coquillages qui y ont trouvé refuge. Nous passons ensemble une agréable soirée et dès le lendemain, ils relèvent l'ancre pour Trinidad. Le mouillage devient rouleur, mais nous sommes optimistes : le vent va tomber, le calme reprendra sa place. Nous allons visiter Saint Joseph l'après-midi. Les vestiges ne sont pas bien conservés mais de voir les prisons des bagnards ainsi, c'est encore plus poignant. Il n'est pas difficile de croire que la mortalité parmi la population incarcérée était élevée. Le soir, nous continuons à rouler bord sur bord. La nuit est très inconfortable et la visite de l'île royale est remise à une date ultérieure : nous relevons le mouillage et allons nous réfugier dans la rivière Le Kourou. Là, aucune difficulté à trouver une place, même si nous nous trouvons un peu éloignés du ponton de débarquement. En attendant, nous n'avons plus besoin de tenir nos assiettes et nos verres à table, et nous ne nous cognons plus aux cloisons ! Nous allons enfin bien dormir !

Kourou est très différent de Cayenne. Dès que nous quittons le ponton des pêcheurs (attention, bien cadenasser l'annexe et le moteur car il y a eu des vols dernièrement), nous nous trouvons devant le marché aux poissons. Là, nous trouvons acupa, mérou, thazard, requin, loubine... Nous allons nous régaler ! Lorsque l'on marche un peu, nous avons à portée de pas différents chinois assez bien achalandés, marché aux légumes le samedi (le marché Hmong se tient les mardi et jeudi), et surtout (pour nous !) la médiathèque ! Quel délice de nous installer l'après-midi dans la salle climatisée, pour lire les revues mises à notre disposition, surfer sur Internet (une heure par personne), ou lire les livres de la bibliothèque ! Nous sommes en tel manque que nous y allons tous les jours d'ouverture ! Entre temps, nous sommes allés passer une journée sur l'île royale où nous avons visité la maison du directeur. Là, nous pouvons consulter les grands panneaux relatant les affaires Seznec et Dreyfus. Très instructif. Le cimetière des enfants a ému les filles. L'île est en partie rénovée et il est possible de prendre un guide pour visiter les lieux ; mais à 18 € par personne, nous avons renoncé (un peu comme pour les tomates !). Par contre, nous avons rencontré beaucoup d'agoutis et de singes, pas farouches du tout ! Jean-Michel a aussi profité du relatif calme du mouillage pour plonger en bouteille sur la coque. Au retour, nous avons presque gagné un noeud de vitesse ! Mais il reste encore du travail avant que la carène soit totalement lisse, car la visibilité était encore très limitée (20 à 30 cm, pas plus !). Le soir, retour dans notre rivière favorite où nous retrouvons notre place au mouillage. Notre amie qui s'occupe des cours du Cned nous a informés qu'ils étaient en cours. Nous lui proposons de les faire livrer chez nos amis Vincent et Soizic à Cayenne et nous restons ainsi un peu plus longtemps à Kourou. Pas de problème, nous avons la médiathèque !

Les cours de Daphnée sont livrés par Soizic un samedi. Pendant qu'elle part naviguer la journée, elle nous prête leur voiture afin que nous puissions faire nos courses. Super sympa ! Nous en profitons pour faire nos achats de denrées lourdes au Leader qui se trouve plutôt loin du mouillage. Le colis du Cned est vérifié : tout y est ! Les fascicules trouvent leur place dans le coffre de Daphnée (après que mademoiselle ait fait un tri sélectif de ce qui s'y trouve...), et la classe sera ouverte dès lundi ! Reste à attendre ceux de Mégane. Espérons qu'ils ne tardent pas trop. Pous passer le temps, Daphnée apprend à utiliser un logiciel de dessin en 3D (Blender, téléchargeable sur Internet) grâce aux cours dispensés par Georges à la médiathèque ; Mégane continue d'avaler tout ce qui contient des pages à la bibliothèque ; Jean-Michel y lit toutes les revues (il est temps qu'une nouvelle livraison arrive !) ; Cathy surfe beaucoup ou lit les revues... d'informatique !

Les cours de Mégane sont arrivés, livrés à bord par Vincent. Ayant téléphoné à Rennes, le centre qui s'occupe des classes "lycée", nous connaissions son numéro d'inscription et avons pu télécharger les cours sur Internet, afin de commencer à travailler. A présent, plus rien ne nous retient ici. Nous pouvons donc mettre le cap sur les îles du Salut pour gratter la coque et ensuite pointer notre étrave vers Tobago. Nous passons à la médiathèque pour vérifier la météo et les enfantsde Kourou étant à l'école, nous bénéficions tous les quatre de trois heures de surf chacun ! Au petit matin, nous relevons le mouillage, la marée est descendante. Pour décrocher l'ancre, Jean-Michel demande à Cathy de mettre en avant, mais bien que le moteur soit à 1600 tours, nous ne bougeons pas. Il nous faut le pousser jusqu'à 2000 tours pour espérer contrer le courant de 2 noeuds ! La quille et l'hélice doivent être recouvertes de coquillages. Nous nous déplaçons péniblement et le bateau est difficilement manoeuvrant. Nous décidons de remouiller de l'autre côté de la rivière et de descendre en plongée pour gratter l'hélice. Un heure plus tard, nous sommes à nouveau en route et naviguons dans le chenal.

Nous mouillons devant l'île Royale cette fois car le vent a un peu de nord. C'est très confortable et nous nous mettons tous à l'eau avec masque et tuba pour plonger sur la coque, spatule en main. Mégane et Jean-Michel grattent le côté tribord et Cathy attaque bâbord. Daphnée est chargée de gratter le ventre de l'annexe. Apnées après apnées, nous retirons l'épaisse couche de coquillages recouverts d'algues. Nous trouverons même des moules ! Le lendemain, nous recommençons et Jean-Michel termine en bouteille pour la quille. Ouf, quel boulot ! Nous nous promenons sur l'île et récoltons des cocos pour notre route vers Tobago. Nous rencontrons l'équipage du Thélonious Sphère et les invitons pour le soir à l'appéro. Du côté nord de l'île, nous apercevons l'annexe d'un autre bateau au mouillage qui nous fait des signes : ils viennent de prendre à la traîne un superbe mérou ! Sur notre chemin, nous avons la chance de voir quantité de tortues Luth qui semblent tourner non loin de la rive. Nous apercevons leur carapace sous l'eau avant que leur tête ne sorte pour respirer. C'est magnifique. Nous retrouvons les pêcheurs de mérou à l'embarcadère et ils nous donnent un magnifique filet pour le repas. Du coup, nous passons prévenir nos invités que nous les gardons à dîner et Jean-Michel nous prépare un délicieux mérou au four. Nous passons une super soirée avec David et Vanessa. Nous les retrouverons sans doute un peu plus loin dans un prochain mouillage.

La météo est favorable pour naviguer à la voile en direction de Tobago. Nous relevons notre ancre le jeudi matin. 30 minutes plus tard, nous progressons à 3 noeuds, suffisant pour arrêter le moteur. Puis la vitesse augmente progressivement. Nous nous installons dans nos habitudes : lecture, sudoku, musique... La Guyane s'éloigne doucement, les fonds augmentent très doucement car le plateau s'étend loin au large. Les Caraïbes nous attendent.

 

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